histoire partielle par questions réponses     et la motion du 22 mai 1968

Quel est l'établissement secondaire de Vendée qui, en mai 1968, a été le premier en grève ? clic ici

Des éléments concrets de cette libéralisation des principes d'encadrement et de la parole peuvent-ils être rappelés ? clic là

Mais cet internat et ces rituels n'entretenaient-il pas une appartenance de groupe déconnectée du réel ? clic

Des exemples d'ouvertures à la culture autre que religieuse ? ici

Peut-on y voir des liens avec la mobilisation de ces élèves avec le mouvement de mai 68 ?

Mais ces réflexions ne remettaient-elles pas en cause votre « catholicisme » ? à lire

Quel était le comportement de vos professeurs et/ou de la direction de votre établissement ? 

N'y a t-il pas des écrits sur cet épisode du séminaire Jean XXIII de mai 1968 ? non hélas

Comment cette grève s'est-elle terminée ? lire ici

Et ensuite vous êtes vous revus ?

Une suite ?  suite

Mais... et le genre féminin dans cette expérience ?  ...

Et le sexe... ?

Dans quel contexte cette mobilisation a t-elle été possible dans un établissement privé religieux catholique, qui plus est au petit séminaire de futurs prêtres du département ?

Après le concile de Vatican II dans les années 1962 à 1964 sous le pontificat du pape Jean XXIII, au-delà d'un assouplissement des rituels pour les pratiquants, l'encadrement des petits séminaristes de cet établissement s'est engagé dans une ouverture significative « au monde réel », avec une libéralisation de la parole des enseignants et des élèves. Il est probable que ces conditions aient facilité l'appropriation par des élèves de contestations critiques qui émergeaient et qui étaient déjà débattus relativement librement dans leurs échanges au cours de l'année. Par exemple, je me souviens d'une présentation du catéchisme « hollandais », dès 1965, comme une nouveauté qui nous renvoyait à la question des christianismes protestants et implicitement à une relativisation des dogmes catholiques. C'était une perspective de changement pour l'avenir.

Mais cet internat et ces rituels n'entretenaient-il pas une appartenance de groupe déconnectée du réel ?

Notre communauté gardait un contact avec le réel extérieur, Tous les jours le journal local, Ouest France, était affiché sans censure (pas de gros risque!) et largement discuté. Tous les élèves avaient un investissement extérieur dans le civil environnant soit le jeudi après midi, jour de relâche scolaire à l'époque, par des animations, des activités sportives ou culturelles, soit le week end. Chacun était dans une équipe de cinq ou six pairs qui au moins une fois par quinzaine échangeait pendant une heure sur des initiatives ou la régulation, et où la confiance établie permettait de confronter le vécu subjectif et de le relativiser. De plus, des professeurs prêtres, se voulant sans doute « modernes » n'esquivaient pas les questions intellectuelles humaines et/ou philosophiques.

Des exemples d'ouvertures à la culture autre que religieuse ?

Cette année là en 67-68, en terminale, nous avions eu trois Week-ends thématiques de littérature parallèlement à l'enseignement philosophique : l'un sur Camus, l'autre sur Sartre et le troisième sur Nietzsche, avec des présentations argumentées certes d'un point de vue catho mais aussi des accès aux lectures et des débats.

Peut-on y voir des liens avec la mobilisation de ces élèves avec le mouvement de mai 68 ?

évidemment ! Un des premiers débats critiques portaient sur le programme littéraire qui était matérialisé par le manuel « Lagarde et Michard ». Plusieurs d'entre nous avions eu accès, outre des œuvres du XXème qui n'étaient pas dans le programme, à des textes intéressants de Voltaire, Diderot ou Montesquieu du siècle des lumières ou de Rimbaud, Daudet, Balzac et d'autres de la période romantique, dont on ne trouvait pas l'équivalent du tout dans le Lagarde et Michard. Nous considérions que c'était une censure organisée à un échelon bien supérieur à nos professeurs de Français de l'établissement. Nous débattions aussi passionnément sur l'intérêt de contrôle continu par rapport à l'examen unique du baccalauréat avec une réflexion non négligeable sur l'intérêt et la nature de la sélection.

Mais ces réflexions ne remettaient-elles pas en cause votre « catholicisme » ?

Certains d'entre nous, n'avions plus la croyance en un Dieu métaphysique, mais nous ne pouvions pas aborder le sujet de façon frontale. En revanche nous gardions en commun au moins une conviction de l'intérêt du message Christique de « aimons-nous les uns les autres » pour la société. À plusieurs reprises la remise en cause des dogmes catholiques a été l'objet d'échanges, mais de façon indirecte et parfois subliminale, avec des précautions orales pour ne pas détruire des valeurs collectives humaines certainement partagées.

Quel était le comportement de vos professeurs et/ou de la direction de votre établissement ?

Plusieurs de nos professeurs de terminales et quelques uns des autres classes participaient à nos discussions et nos assemblées générales. Non seulement certains d'entre eux acceptaient que nous ayons des échanges avec d'autres établissements secondaires, mais prêtaient leur véhicule 2CV à un élève qui avait son permis pour conduire un groupe de délégués à plusieurs dizaines de km, au lycée privé de la Tourtelière ou aux lycées privés et publiques de la Roche sur Yon pour participer à des coordinations avec des lycées. À plusieurs reprises les délégués des autres lycées, très dubitatifs sur la réalité de la mobilisation des petits séminaristes catho « futurs prêtres » des Herbiers, étaient étonnés par la description de notre convivialité en cours, de notre liberté de parole et de l'absence de sanction.

N'y at-il pas des écrits sur cet épisode du séminaire Jean XXIII de mai 1968 ?

À ma connaissance non, hélas. Pourtant des anciens qui se sont investis dans l'enseignement, la sociologie, l'histoire, la communication auraient pu ou pourraient écrire cette histoire qui à mon avis n'est pas inintéressante ; je l'ai toujours espéré ; ça va peut être venir.

Comment cette grève s'est-elle terminée ?

Précocément, pas d'elle même, ni par l'encadrement directe, mais elle a été stoppée de façon autoritaire sur ordre de l'évêque de la Vendée. Un jeudi, le 30 mai ou le 6 juin, nous avons appris que nous devions quitter l'établissement le lendemain vendredi, sans date de retour. Nos parents avaient été avertis dans la journée pour organiser notre retour dans nos famille avec tout notre trousseau. Nous avons été séparés, sans capacité de réagir.

Nous avons été reconvoqués fin juin pour une journée d'épreuves sportives comptant pour le baccalauréat, après la fin du mouvement au niveau national.

Chaque élève a été convoqué début juillet une journée à Nantes pour les épreuves, toutes par oral, du Bac.

De façon étonnante, nous étions en septembre 1968 54 sur 56 à être entrés au Grand Séminaire du Diocèse à Luçon, alors que les années précédentes à peine la moitié ou moins des élèves de terminale du petit séminaire Jean XXIII continuait dans la formation de futur prêtre après le Bac. Plus de la moitié rejoignait la vie civile.

Beaucoup d'entre nous étions frustrés et nous n'avions pas fait le deuil de notre séparation et de notre expérience collective non finie.

À ce grand séminaire, nous avons été confrontés à des ambivalences. Un professeur assez jeune nous éveillaient à une culture générale attrayante, après avoir déserté son poste le mois de mai précédent pour recenser à Paris tous les écrits des rues et en faire un traitement structuraliste passionnant. Mais les autres, en écriture « sainte » ou en « philosophie théologique », restaient sur des bases dogmatiques fermées à toute remise en cause.

Au bout de trois mois l'un d'entre nous est reparti dans le civil. Et au bout de deux ans moins de dix élèves seulement restaient, soit beaucoup moins que les promotions précédentes.

Le diocèse, qui avait péroré dans son bulletin au 4ème trimestre 1969 sur le renouveau des vocations illustré par notre entrée en masse au grand séminaire, n'a pas publié les chiffres des désaffections par la suite.

Une suite ?

Quelques uns d'entre nous ont eu l'occasion de se croiser un par un. Mais un petit groupe a  tenté d'organiser après cinquante ans un rassemblement de tous les anciens élèves de terminale Jean XXIII de 1968. Une vingtaine d'entre nous se sont rencontrés, accompagnés ou non en juin 2018 ; rencontre conviviale très émouvante et très chaleureuse. 

Une nouvelle rencontre s'est déroulée en mai 2019 à Brem sur mer.

La prochaine sera le 13 mai 2025 à Saint Gilles Croix de Vie salle de la conserverie

Nous avons des parcours très différents, et espérons beaucoup de ces échanges, non pour refaire l'histoire, mais pour découvrir les itinéraires et éventuellement les traces divergentes ou convergentes de notre expérience culturelle de jeunesse ; ou simplement causer sur l'évolution de ce demi-siècle du point de vue de nos petites lorgnettes. Cinq d'entre nous sont décédés, et cinq autres sont perdus de vue, mais nous sommes encore plus de quarante à espérer cette nouvelle rencontre, d'autant plus que les non dits de cette époque se révèlent enfin.

La motion du 22 mai 2018   (2 pages)    à comparer avec l'évolution des revendications...

Quel est l'établissement secondaire de Vendée qui, en mai 1968, a été le premier en grève ?

Dans ce département de la Vendée, à l'époque sans doute le plus catholique de France, ce sont les Terminales du petit séminaire* Jean XXIII aux Herbiers qui se sont les premiers mis en grève. Ils étaient 56 élèves en 2 classes de terminale A (littéraire) et D (scientifique). Ils ont remplacé les cours par des assemblée générales et des comités d'action.

*un petit séminaire désignait à l'époque un établissement scolaire du second degré où étaient regroupés les jeunes qui avaient la vocation d'être prêtre. Le grand séminaire était la formation « supérieure » des prêtres sur cinq ans.

reçu le 10 juin d'un ami de Gérard et Dédé,

"J'avais oublié que mai 68 était parti des Herbiers, ville par ailleurs surtout connue pour l'excellence de son équipe de foot, dont j'ai eu l'honneur de mouiller le maillot en 68 pendant que d'autres refaisaient le monde au séminaire.
Tu oublies quand même de signaler, et cette modestie t'honore, que le séminaire était à l'époque l'école des élites de la jeunesse départementale, comme L'ENA est aujourd'hui l'école des élites de la nation.
Au risque de paraître pédant, je te rappellerai que le mot "séminaire" vient du latin "seminarium" qui veut dire «pépinière », « semence", "principe vital". Bref, tu m'as compris, un séminaire est un lieu étymologiquement masculin, un "sperminaire" quoi. D'ailleurs, il y a quelques années, des féministes radicales s'étaient élevées contre l'utilisation de ce terme à connotation fâcheusement machiste. Elles proposaient de le remplacer par le terme "ovulaire" surtout lorsqu'il concernait une réunion de femmes...
La chute de ton article est donc on ne peut plus pertinente !"

GPP

nouvelle rencontre 2025

Nous nous  sommes rencontrés à nouveau en 2019 encore plus nombreux (32  + des conjoints) mais le projet de 2020 est tombé à l'eau avec le confinement de la COVID. Trois autres de nos pairs sont décédés depuis.

le 13 mai 2025 à Saint Gilles sur Vie